Image des laboratoires : l’épreuve de vérité

La succession d’affaires qui ont secoué l’industrie du médicament l’année passée ont nui à l’image de toute la profession. A quand l’image d’une industrie innovante, high tech, œuvrant pour l’intérêt général et la santé des patients ?

 

 

 

Aux yeux du grand public, « industrie pharmaceutique » rime avec « conflits d’intérêts, profits et mensonges… ». 80% des Français interrogés estiment que les entreprises du médicament « sont plus soucieuses de leurs bénéfices que des malades »*. Les restes prévisibles d’une série de crises vécues dans une semi-opacité et sans véritable prise de parole collective des entreprises du médicament.

L’impact de la chaise vide

L’image d’une marque s’acquiert sur la durée et se ternit très rapidement en cas de crise. Un directeur de la communication, quel que soit son secteur d’activité, doit se préparer au pire afin de préserver cette image. Pour Pierre Auberger, Directeur de la communication du groupe Bouygues, « Il est indispensable de prévoir l’imprévisible, de travailler en amont sur l’éventualité de toute crise. C’est-à-dire évaluer les risques de crises, leurs probabilités d’occurrence, leurs impacts éventuels sur la réputation de la société, rassembler les éléments de langage adaptés à tel ou tel scénario, et finalement établir une cartographie de l’ensemble. » Une démarche qui a peut être fait défaut à certains acteurs de la pharma, restés « sans voix » lorsque leurs produits ont été mis en cause. « Le syndrome de la chaise vide peut avoir des conséquences extrêmement graves en matière de communication, premièrement parce qu’il laisse la place aux seuls détracteurs » remarque Pierre Auberger. Malgré les nombreuses initiatives de communication du LEEM, les entreprises du médicament ont plusieurs fois perdu la main sur leurs messages. Le patient, l’internaute, le citoyen, le quidam… se sont emparés à leur place des débats liés à leurs médicaments, là où une certaine empathie était attendue. « On peut imaginer combien la dimension affective, sur des sujets qui touchent à la vie humaine, accentue l’inquiétude du grand public. Empathie et compassion sincère vis-à-vis des victimes sont indispensables » ajoute Pierre Auberger.

Une communication produit en crise

En plus des conséquences directes de ces événements en termes d’image, l’industrie pharmaceutique vit arriver en décembre 2011 (loi du 29 déc) le durcissement des règles de communication sur les médicaments. Punition injuste pour certains : toute publicité sur un médicament auprès des professionnels de santé doit désormais recevoir l’aval de l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Elle reçoit alors un « visa de publicité » valable pendant un temps limité. Une mesure de contrôle a priori qui aura notamment pour répercussion une réduction en volume des publicités sur les médicaments. Est-ce à dire que la communication sur les produits de santé est en voie d’extinction ? En mutation vraisemblablement, tandis que les entreprises du médicament apprennent à communiquer de façon plus responsable, et autrement que sur les seuls bénéfices de leurs molécules.

Vers un engagement moderne

Il est peut être temps de montrer au monde que les politiques de responsabilité sociétale des entreprises du médicament prennent leur place. Mais sans pour autant renier le marketing produit, précise Pierre Auberger : « le marketing produit devrait logiquement garder une place capitale pour promouvoir les bénéfices apportés aux clients. A côté de cela, le marketing – RSE devrait pouvoir se développer comme dans d’autre secteurs d’activité ».

L’industrie du médicament doit faire un effort de pédagogie, montrer qu’elle agit concrètement pour l’efficience du système de santé – défi au moins aussi urgent que de développer des molécules efficaces. « A titre d’exemple, chez Bouygues, nous avons profondément transformé le modèle économique de nos activités de BTP et d’immobilier en passant à la «construction durable » en réalisant des bâtiments basse consommation d’énergie et des immeubles à énergie positive, qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment. En créant des éco-quartiers, dans le respect de la biodiversité, et redistribuant l’énergie, nous visons une conduite exemplaire sur le plan environnemental et sociétal, et un modèle où chacun peut se loger. », poursuit Pierre Auberger. De la même manière, dans un système de santé fragile, où existent une pénurie de soignants et une inégalité d’accès aux soins, les entreprises du médicament devraient valoriser leurs actions exemplaires. Soutenir les associations de patients, innover en matière de formation des équipes soignantes, favoriser l’accès aux soins…. « Attention au « green washing », termine Pierre Auberger, la communication de l’entreprise doit s’appuyer sur une politique RSE sincère et sérieuse afin d’être crédible et écoutée. Dans le cas contraire, la communication aurait des conséquences négatives voire dramatiques sur son image de marque» Clarifier sa communication produit pour mieux s’engager à travers les causes sociétales.

*sondage ipsos « observatoire sociétal du médicament » 2012