Face aux mutations du secteur de la santé, l’innovation est une impérieuse nécessité, qui ne peut se résumer aux seuls aspects technologiques. Elle est de plus en plus soutenue par les autorités de santé.
Les pouvoirs publics ont bien conscience de l’importance de soutenir l’innovation, ne serait que pour des raisons budgétaires. En effet, la part des dépenses de santé pèse sur l’économie. En France, elle représente environ 12% du PIB, davantage que la moyenne des autres pays de l’union européenne. Pour réduire ces dépenses, des innovations en termes d’organisation et de coordination sont les bienvenues. Signe des temps, elles ne sont plus le simple fait de l’industrie ou des pouvoirs publics, mais proviennent aussi du monde de l’éducation, de la recherche et des usagers. Par ailleurs, elles sont souvent basées sur des projets interdisciplinaires (sciences sociales, biologie, imagerie, nutrition…). On observe ainsi un grand mouvement de convergence technologique entre des secteurs autrefois très cloisonnés.
Les entreprises du monde numérique et des communications mobiles jouent un rôle croissant dans la modernisation du secteur de la santé, tant en ce qui concerne la recherche qu’au niveau les phases de prévention, de traitement et d’organisation des soins de santé.
Au delà des aspects économiques, il s’agit d’améliorer la qualité des soins. La Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS), qui dépend du Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, reconnaît que c’est une priorité : « l’innovation médicale, qu’elle soit technique (acte, dispositif médical, médicament) ou organisationnelle, est une composante incontournable de la qualité des soins et de la performance de l’offre de soins ». Cet organe assure donc un financement adapté de la validation des innovations médicales et permet leur diffusion optimale auprès des patients.
Mais le soutien à l’innovation se heurte à la définition de cette dernière. En effet, dans la plupart des pays européens, des organismes de HTA (Health Technology Assessment) évaluent l’apport relatif des nouvelles solutions de santé par rapport aux produits déjà existants afin de définir leur remboursement et leur prix. En France, cette mission est dévolue à la Haute Autorité de Santé, qui évalue les actes, les dispositifs médicaux et les médicaments afin que de définir s’ils doivent être pris en charge par la collectivité et à quel prix. Dans le domaine pharmaceutique, cette Amélioration du Service Médical Rendue (ASMR) est envisagée de façon très sélective, et l’innovation incrémentale ne bénéficie pas d’une reconnaissance. De nombreux acteurs de l’industrie ont dénoncé la difficulté à mettre en place, sur le marché français, de nouveaux médicaments ou de nouvelles formes galéniques. Selon eux, l’impact de ce manque de souplesse des autorités est loin d’être négligeable.
En 2010, lors des Etats Généraux de l’Industrie, un rapport du Groupe de Travail Industries de santé avait toutefois livré un état des lieux des forces et faiblesses et recommandé une série de mesures pour renforcer l’innovation et la compétitivité de l’écosystème global (incluant le soutien aux entreprises innovantes et start-ups). Ce rapport avait notamment souligné l’importance d’une réforme de la gouvernance publique de la santé, trop complexe, trop fragmentée, trop rigide et pas assez coordonnée aux échelons centraux.
La donne a sensiblement évolué depuis, et les déclarations d’intention de la part des pouvoirs publics se poursuivent. Il faut dire que le contexte n’a cessé d’évoluer, avec notamment une série de crises sanitaires et alimentaires et l’intrusion de nouvelles formes de concurrence en particulier via la vente de médicaments sur internet. Lors de la sixième édition du Conseil Stratégique des Industries de Santé (CSIS), qui s’est tenue le 5 juillet dernier, sous l’égide du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, un rapport intitulé « Industries et technologies de santé » a été présenté. Ce texte met l’accent sur l’importance de promouvoir l’innovation dans des domaines de haute-technologie, car c’est une condition majeure de maintien de l’efficacité, de la compétitivité et encore plus fondamentalement de la sécurité sanitaire et de la santé des citoyens dans un cadre de plus en plus contraint par les priorités financières, budgétaires, socio-économiques et démographiques.
Dans ce cadre, la recherche de tous les gisements possibles de rationalisation, d’efficacité et de meilleure organisation est fondamentale. Une vision holistique de l’innovation, depuis la recherche amont à la délivrance des traitements médicaux jusqu’à la coordination des différents secteurs économiques et industriels et la gouvernance des intervenants publics, apparaît plus importante que jamais. Encore faut-il que les déclarations d’intention ne restent pas purement théoriques…