Pharmacovigilance : ses enjeux et ses évolutions
Malgré des efforts toujours plus importants consentis par l’industrie pharmaceutique pour améliorer l’utilisation et la sécurité de ses médicaments, la pharmacovigilance souffre toujours de sous-notification. Cependant, avec l’évolution du numérique et l’essor des réseaux sociaux, elle pourrait connaître une mutation lui permettant d’être plus efficace.
Pharmacovigilance, les réformes en cours
Lancée en décembre 2017, suite à une crise majeure liée à une hormone thyroïdienne au cours de l’été, la mission Information et Médicament observe » des défaillances […] dans l’information apportée aux patients et aux professionnels de santé « . Rendu en septembre 2018, son rapport formule une série de recommandations pour y remédier.
D’abord, il encourage la ministre de la santé Agnès BUZYN à élargir l’outil d’alerte DGS-Urgent à l’ensemble des professionnels de santé du secteur libéral. Le répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) concerne pour l’instant les médecins, les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens uniquement. Son accès sera élargi pour que tous puissent s’inscrire à la liste de diffusion d’alertes.
D’autre part, le rapport conseille une représentation des usagers au sein du Comité économique des produits de santé (CEPS), qui négociait jusque là sans les patients les prix des médicaments remboursés et les rabais avec les laboratoires. De plus, afin de pouvoir mettre plus rapidement les innovations à disposition des patients, le gouvernement s’est engagé à déployer rapidement des mesures permettant de réduire les délais des procédures administratives d’accès des médicaments au marché. La France enregistre des délais d’accès aux patients parmi les plus longs d’Europe avec une moyenne de 500 jours. L’objectif fixé par le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) est celui d’un retour au délai de 180 jours fixé par une directive européenne.
Enfin, le « carnet de santé numérique », mis en place à partir d’octobre 2018, permet aussi améliorer l’information des patients. Le rapport préconise d’aller plus loin et de créer une plateforme « Médicament Info Service », composée d’un site Internet www.medicament-info-service.fr. L’enjeu de cette plateforme qui rassemblerait l’ensemble des contenus authentifiés et labellisés est d’améliorer la culture générale du médicament. Autre initiative proposée : une ligne téléphonique à destination du grand public et des professionnels de santé.
L’ensemble du dispositif serait piloté par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM).
Les auteurs du rapport proposent également une meilleure diffusion de l’information dans les programmes scolaires et de notifier des changements dans la composition des médicaments via des messages urgents dans les officines ou des SMS envoyés aux patients.
Pharmacovigilance, le tournant numérique
Depuis juin 2011, le patient peut notifier lui-même les événements indésirables qui le concernent au centre de pharmacovigilance de leur région, sans passer par le professionnel de santé. Les objectifs : l’amélioration du taux de déclaration et d’une meilleure maîtrise de sa santé par les patients. C’est l’empowerment, quand le patient reprend sa santé en main. Le portail Sante-Gouv a enregistré 45000 signalements au total, dont 90% liés à la pharmacovigilance. Parmi eux 85% sont le fait de non-professionnels.
Plusieurs start-ups ont lancé leur application de pharmacovigilance, elles permettent de notifier les effets indésirables des médicaments tout en s’informant sur ces mêmes effets. Par exemple, en France, My eReport est une solution mobile destinée à transmettre électroniquement les déclarations issues des patients, de leurs proches, des associations de patients, ou des professionnels de santé.
Dès 2016, l’Agence européenne du médicament (EMA) a lancé le projet Web-RADR, financé par cette agence, par l’Organisation mondiale de la santé et pour moitié par des fonds privés. Cette application permet de recevoir des bulletins d’alerte et d’obtenir en temps réel l’évolution des réglementations dans le monde entier. D’abord développée en Croatie et en Inde, le Burkina Faso est le deuxième pays pilote en Afrique, après la Zambie, à utiliser cette application gratuite depuis 2017.
Il y a 22 ans, quand les antiprotéases en traitement du VIH sont arrivés sur le marché, des patients ont commencé à parler d’effets indésirables sur Internet. Des prises de poids importantes n’avaient pas été vues dans les essais cliniques de trop courte durée. Alertées grâce aux forums en ligne, les associations de patients avaient ainsi saisi les agences de santé.
Été 2017, au cœur de la crise sanitaire en France, un pic de messages a été enregistré sur les réseaux sociaux au sujet de l’hormone thyroïdienne. Plus de 34 000 effets secondaires avaient été détectés entre 2007 et 2017, avec une accélération la dernière année. De nouveaux internautes ont posté 77 % des messages sur le sujet en moins d’un an, la plupart sur le changement de formule et les effets secondaires potentiellement associés.
Aujourd’hui dans le monde, sur les 7,6 milliards de personnes, 4,1 milliards sont des internautes et 3,3 milliards sont actifs sur les réseaux sociaux. La surveillance des réseaux sociaux et des effets indésirables rapportés par de nouveaux utilisateurs apparaît comme un outil d’alerte supplémentaire dans la chaîne de surveillance du médicament, à l’échelle mondiale.
Sources :
https://www.telemedecine-360.com/pharmacovigilance-2-0-integrait-applications-de-telemedecine/
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0398762018306199