Guillaume Clément, membre du CRIP et par ailleurs président de LEO Pharma France et Maghreb, apporte son point de vue sur l’intérêt aujourd’hui de l’engagement territorial pour les laboratoires.
1. Le choix de la territorialité peut-il apparaitre, dans le contexte politico-économique actuel, comme un choix à contre-courant ?
C’est un dilemme aujourd’hui pour les entreprises internationales que de devoir choisir entre la stabilité ou la réactivité, entre les investissements au long cours ou la gestion des coûts à court terme, entre la rémanence de l’emploi ou la réallocation rapide des ressources. Certaines entreprises doivent reconsidérer leur projets de développement voire leur localisation sur des sites donnés. Dans le bassin de Dreux par exemple, comme dans d’autres régions de France, les fermetures sont nombreuses, impactant particulièrement le secteur pharmaceutique (Sites de production, de R&D ; fermeture ou cession…).
2. Pourquoi certaines entreprises font-elles encore le choix de l’engagement territorial ?
L’ancrage historique, la volonté de s’inscrire dans la durée, dans une perspective de responsabilité économique, sociétale, et de développement durable, la recherche de l’équilibre entre performance et risques, les valeurs telles que l’intégrité, l’adaptabilité et l’engagement vis-à-vis des clients sont autant de critères qui imposent le choix de la territorialité. La concrétisation de cette volonté est facilitée si l’entreprise est en mesure de prendre ses décisions stratégiques en toute indépendance. C’est le cas de LEO Pharma qui appartient en totalité à une fondation et n’est donc pas cotée en bourse. Cette organisation lui confère une indépendance et une sérénité de décision quant à ses options industrielles et ses investissements en R&D. Grâce à ce statut, le groupe peut afficher une vision claire de ses activités à long terme, et s’engager durablement, sans jamais avoir à transiger avec ses valeurs et son éthique.
3. La territorialité implique t’elle nécessairement un engagement collaboratif économique, politique et sociale ?
S’implanter sur un territoire c’est choisir de participer activement à l’environnement local. C’est donner à son action, un sens, une dynamique économique (créer des emplois directs et indirects, sachant qu’un emploi direct en induit 4 indirects* ; attirer et retenir un personnel qualifié), politique (partager les projets au long cours et sur un espace délimité, en améliorant l’attractivité de la France) et sociale (participer à l’identité culturelle ; entretenir une démarche propre à améliorer le climat social en général). C’est développer des synergies et des coopérations sur la durée.
C’est l’engagement pris par LEO pharma sur le site de production de Vernouillet, reconnu par la maison-mère danoise comme le centre d’excellence mondial pour les injectables. Le site de production français conditionne et exporte dans le monde entier et embauche chaque année de nouveaux collaborateurs, 295 à ce jour, soit un effectifs en croissance de + de 25% au cours des 3 dernières années.
*source : F. Saint Cast et F. Fagnani (juin 2006)
4. Quel avenir pour les investissements territoriaux en France?
Si la politique conventionnelle Etat/industrie, à l’œuvre depuis 1994, a longtemps offert une lisibilité économique aux grands groupes internationaux et a contribué à ce que la France occupe une des première place de producteur européen et qu’elle soit l’un des principaux exportateurs mondiaux de médicaments, cette assertion n’est plus pleine et entière aujourd’hui. Et les décisions d’investissements futurs, que ce soit pour poursuivre le développement des unités déjà implantées ou bien pour créer des unités nouvelles en France sont de plus en plus difficiles à obtenir auprès de nos maisons-mère. D’une part, ces résultats demeurent fragiles lorsque l’on sait le soutien que certains gouvernements peuvent offrir pour renforcer l’attractivité de leur territoire (Irlande, Belgique). D’autre part, les réformes ne cessent de se bousculer et leurs applications sont parfois déconnectées de leur objectif principal avec des effets délétères sur l’activité (les exemples de la réforme de la sécurité sanitaire en cours sont nombreux).
Dans cet environnement de plus en plus exigeant, il est urgent d’avoir plus de visibilité, au long cours de la part de nos administrations centrales et que celles-ci maintiennent leurs engagements; urgent également d’obtenir le soutien de nos administrations locales grâce notamment au poids de leurs voix parlementaires.